Et encore une Bollée…

La Famille Bollée :

Une recherche sur un des sites de généalogie nous permet de découvrir le mariage de l’ancêtre commun Jean Baptiste Félix Bollée le 7 février 1775 avec Marguerite Chatelain à Breuvannes en Bassigny (Haute Marne) où il exerçait le métier de maître sainctier (fondeur de cloches). Quelques années plus tard on  trouve la trace de deux frères : Jean-Baptiste Amédée Bollée (1812-1912) et Ernest-Sylvain Bollée (1814-1891) qui suivent la tradition familiale. Le premier s’installa en 1838 à Saint-Jean-de-Braye dans la banlieue d’Orléans. Ernest-Sylvain Bollée construisit sa fonderie en 1842 dans la région du Mans.

La fabrication de cloches continue à Saint-Jean-de-Braye, où le propriétaire actuel, Dominique Bollée représente la 8ème génération et il exerce dans les mêmes locaux le métier familial. On peut y découvrir un musée campanaire présentant l’histoire de cette famille et la plus vieille éolienne Bollée.

La fonderie du Mans perdura un instant, mais Ernest-Sylvain avait d’autres ambitions que les seules cloches. Cet inventeur de génie déposa un brevet d’invention pour un bélier hydraulique en 1857, puis pour un système d’éolienne (brevet n°79985 du 30 Mars 1868) ; il conçut des locomotives à vapeur et même un détecteur de retour pour les pigeons voyageurs. Ernest-Sylvain tomba gravement malade dans les années 1860, et fut obligé de déléguer progressivement la marche de ses affaires à ses trois fils. Le plus âgé, Amédée-Ernest (1844-1917), se chargea de la fonderie de cloches, Ernest-Jules (1846-1922?) s’occupa des béliers hydrauliques et le plus jeune des fils, Auguste-Sylvain Bollée (1847-1906), prit le contrôle de la fabrique d’éoliennes. Il améliora le dispositif en déposant lui même un système d’entonnoir à vent en 1885. En 1898, Auguste-Sylvain Bollée vendit son affaire de turbines à vent à l’ingénieur Édouard-Émile Lebert pour se consacrer à la peinture dans sa propriété d’Arnage, située sur les bords de la Sarthe agrémentée de cascades, bassins, et autres jets d’eau alimentée en eau par une éolienne (de sa fabrication, bien entendu !).  D’après certains écrits  il  profita également de cette vente pour vivre une vie d’artiste quelque peu dissolue à Paris. La fonderie de cloches du Mans continua sa production, mais face à la “concurrence ” de la famille de Saint-Jean-de-Braye se diversifia vers d’autres domaines. Et très vite la descendance d’Amédée fit la réputation automobile du Mans et de la famille Bollée. Mais cela est une autre histoire. Revenons donc à nos éoliennes

A quoi servaient-elles ?

La politique énergétique actuelle assimile aujourd’hui l’énergie éolienne à la production d’électricité. Pourtant on a construit ces machines pour servir à l’alimentation en eau. La plupart des éoliennes du XIX ème siècle furent installées pour des bourgeois et de riches propriétaires terriens désireux d’alimenter et d’irriguer leurs fermes et leurs jardins potagers. La première éolienne Bollée fut installée en 1872 dans le château du village de Chenillé Changé dans le Maine et Loire. Toutefois quelques communes novatrices installèrent ces éoliennes Bollée pour remplacer les pompes à bras et autres puits publics. Une des premières fut recensée en Eure-et-Loir.

Qu’est-ce qu’une Éolienne Bollée ?

Elle a été dénommée de plusieurs façon selon les lieux et les époques : entonnoir à vent, moteur à vent, turbine à vent, aéromoteur, etc., nous l’appellerons simplement “éolienne” mais le terme exact est celui d’éolienne de pompage.

Cette définition serait celle donnée par Auguste Bollée, lui même.

Le dispositif se compose de 3 éléments principaux, la turbine composée d’un rotor et de déflecteurs statiques (pales), la pompe, l’arbre de transmission entre les deux. Le tout installé à la verticale du puits avec un mât central.

Des ouvrages connexes laissés à l’initiative des entrepreneurs locaux pouvaient compléter l’ensemble

  • le local de la pompe.
  • le réservoir tampon 
  • parfois un anti bélier en dérivation sur la canalisation pour la protéger des surpressions.
    et éventuellement les bassins couverts (lavoirs communaux).

Ces bâtiments annexes allaient du simple abri de tôle ondulée jusqu’à des sortes de châteaux miniatures 

Machinerie de la pompe © OTSI – DPVCT 2017

Bien que le système Bollée paraisse compliqué comparé au moulin à vent traditionnel, le fonctionnement en est assez simple. Le vent traverse les pales en faisant tourner un rotor actionnant les pompes par une transmission à engrenages. Le secret du brevet réside dans un petit rotor de pivotement (surnommé le”papillon orienteur”) qui positionne la turbine dans le sens du vent. Si les rafales deviennent violentes, ce mouvement de pivot place la turbine hors du vent jusqu’à engager un verrou à ressort bloquant le dispositif. A ce moment, la turbine est perpendiculaire au sens du vent et le pompage cesse jusqu’à ce qu’un opérateur monte les escaliers jusqu’a la nacelle pour libérer le verrou. Le mât, creux et haubané, héberge un arbre recevant par un couple conique le mouvement du rotor pour le transmettre, en bas, par un second couple, au vilebrequin actionnant les pistons plongeurs de la pompe. Le modèle standard de pompe Bollée était à trois pistons plongeurs avec l’une des manivelles en porte à faux. Un volant d’inertie complétait l’ensemble.

Les turbines étaient fabriquées initialement en trois tailles : Numéros 1, 2 et 3, avec des rotors de respectivement 2,5 m, 3,5 m et 5 m de diamètre. Les performances des pompes permettaient, d’après un catalogue publicitaire, de remonter sur une hauteur de 25 m entre 650 litres et 3600 litres d’eau par heure.

Les Eoliennes Bollée n’étaient pas particulièrement puissantes, fournissant rarement plus de 3 cv au maximum.

Pourtant l’attention portée aux détails, une bonne exécution et une construction robuste leur ont permis de pomper l’eau à des profondeurs de 100 mètres et plus.